Rapport d'expertise concernant

Le matériau présenté par Mr. René TEMEY

Ce rapport présente les résultats des analyses que j'ai pu effectuer sur le matériau présenté par Mr. René TEMEY en nos locaux le mercredi 10 mars 1993.

  1. Aspect : Le matériau se présente sous la forme d'un cylindre d'environ 4 mm de diamètre et de plusieurs centimètres de long. Le matériau apparaît d'abord comme une céramique bien frittée de couleur jaune pâle.

  2. Diffraction X : Quelques morceaux du matériau ont été broyés finement et la poudre a été analysée par diffraction X en transmission suivant la méthode de Guinier. Le système de raies de diffraction très simple qui apparaît sur le cliché est caractéristique de l'argent métal cristallisant dans le système cubique ( paramètre de maille a = 4.0862 A, groupe d'espace Fm3m ).

  3. Microscopie : L'observation au microscope métallographique sur une coupe le long d'une génératrice de l'échantillon cylindrique a montré la présence d'un grand nombre de grains possédant l'éclat métallique, régulièrement distribués dans une matrice beaucoup plus terne. La corrélation avec le cliché de diffraction laisse penser que ces grains sont constitués d'argent métallique. Dans ce cas la matrice elle-même, qui constitue la plus grande partie de la masse de l'échantillon, ne présenterait pas une structure cristalline et aurait donc une nature vitreuse.

  4. Résistivité électrique : La variation thermique de la résistivité électrique dans le domaine de température -200°C - 400°C présente un coefficient de température positif qui est caractéristique d'un métal et la valeur de la résistivité à la température ambiante ( p = 7.10-5^.cm ) est excellente même si elle reste plus élevé que celle du cuivre ( p = 15 X pcu ).

Ce résultat est remarquable puisqu'il s'agit, à notre connaissance, du premier verre iono-covalent à charpente silicatée qui présente une conductivité métallique même à température élevée ( ] 300°C ). Il existe bien sûr depuis de nombreuses années des alliages métalliques amorphes aux propriétés conductrices et magnétiques remarquables mais ces matériaux perdent leur propriétés au-dessus de 160°C par recristallisation et oxydation.

D'autre part, il est bon de remarquer ici que ces mesures ne rendent compte en aucun cas du comportement de ce matériau à très basse température, entre \270°C et \200°C, où la présence d'autres phénomènes tels que la supraconductivité devrait être recherchée.

Enfin ces mesures sont caractéristiques du transport électronique et non du transport ionique auquel on pourrait penser avec les ions argent qui sont connus pour présenter une haute mobilité dans de nombreux solides iono-covalents.

  1. Microscopie électronique en balayage : Les observations effectuées sur le même barreau que les mesures électriques, mettent en évidence un matériau à structure poreuse en dehors des inclusions à éclat métallique. Il est possible qu'une optimisation de la conductivité puisse être obtenue par la densification partielle ou totale du matériau poreux. La distribution des grains, leur densité et leur diamètre moyen permet de penser que le volume de l'argent sous forme de métal ne représente qu'une faible partie de l'argent total introduit dans le matériau, le reste étant dispersé dans la matrice vitreuse.

Conclusion :

Comme je l'ai déjà remarqué, il s'agit d'un matériau qui, en associant une charpente iono-covalente vitreuse à une très bonne conductivité électronique, présente un intérêt scientifique certain.

En ce qui concerne les applications potentielles du matériau, ses excellentes propriétés de transport électronique associées à de grandes facilités de mise en forme, à une grande stabilité thermodynamique, qui a été montrée par des mesures de transport au-dessus de 700°C, et probablement chimique ( les verres silicatés étant en général très résistants vis-à-vis des agents chimiques usuels ), le destine d'abord au transport du courant électrique en milieu corrosif et / ou à haute température ( ] 400°C ) là où les métaux ( cuivre, aluminium, etc. ) et alliages usuels sont rapidement oxydés.

Il ne faut cependant pas perdre de vue la possibilité de transport ionique due à la grande mobilité de l'argent reconnue dans de nombreux matériaux, donc les verres silicatés par exemple, qui, associée à sa grande conductivité électronique, rend ce matériau potentiellement intéressant pour le stockage de l'énergie électrique au niveau de la fabrication d'électrolytes solides.

Pour terminer, je dirais que ce type de matériaux gagnerait en intérêt industriel si l'on pouvait remplacer l'argent, métal noble mais très coûteux, par un autre métal de transition plus accessible tout en maintenant voire améliorant les propriétés de transport électronique.